Les effets du multitâche numérique sur la concentration des élèves

À l’ère du numérique, les élèves jonglent souvent entre plusieurs écrans, applications et notifications. Entre devoirs sur ordinateur, messages instantanés, télévision, réseaux sociaux et vidéos, le multitâche numérique est devenu la norme.
Pourtant, cette pratique a des conséquences importantes sur la concentration, l’apprentissage et le bien-être cognitif des jeunes. Comprendre ces effets est essentiel pour accompagner les élèves vers des usages numériques plus sains et efficaces.
Qu’est-ce que le multitâche numérique ?
Le multitâche numérique désigne l’action de réaliser plusieurs activités numériques en même temps ou en alternance rapide.
Par exemple, un élève peut faire ses devoirs sur une tablette ou sur son cahier tout en répondant à des messages sur son téléphone et en écoutant de la musique en streaming. Ce va-et-vient constant entre différentes sources d’information sollicite intensément les ressources attentionnelles du cerveau.
Si le multitâche est souvent perçu comme une qualité dans un monde rapide, il pose en réalité des défis majeurs à notre capacité de concentration, surtout chez les élèves en phase d’apprentissage.
Pourquoi le cerveau a-t-il du mal avec le multitâche ?
Contrairement à une idée reçue, le cerveau humain n’est pas fait pour exécuter plusieurs tâches complexes simultanément. Lorsqu’on croit faire du multitâche, le cerveau alterne en réalité très rapidement entre les tâches, ce qui génère plusieurs effets négatifs :
- Fragmentation de l’attention : l’attention est divisée entre plusieurs sources, ce qui réduit la qualité de concentration sur chacune d’elles.
- Augmentation de la fatigue cognitive : cette alternance rapide fatigue le cerveau, qui doit constamment « recharger » le contexte et les informations liées à chaque tâche.
- Baisse de la performance : le temps nécessaire pour revenir à un état de concentration profonde (appelé « flow ») est allongé, ce qui ralentit l’apprentissage et augmente les erreurs.
- Moindre mémorisation : l’assimilation des informations est moins efficace, car le cerveau ne peut pas encoder correctement ce qui est perçu en « mode dispersé » et l’activation des réseaux neuronaux est moins éfficace.
Les impacts concrets sur les élèves
1. Diminution de la qualité des apprentissages
Le multitâche numérique réduit la capacité des élèves à se concentrer pleinement sur une tâche d’apprentissage, qu’il s’agisse de lire, d’écrire ou de résoudre des problèmes. La qualité de la compréhension diminue et les erreurs se multiplient.
2. Stress et surcharge mentale
Le passage constant d’une activité à l’autre augmente le niveau de stress, fatigue mentale et anxiété. Les élèves peuvent se sentir débordés par la multitude d’informations et de sollicitations qu’ils doivent gérer. L’impression de ne jamais avoir terminé quelque chose et de sans arrêt jongler entre différentes actions, différents outils et différents enjeux, risque de devenir très délétère.
3. Perturbation du sommeil
Une exposition prolongée et fractionnée aux écrans, notamment avant le coucher, perturbe le sommeil. Or, un sommeil de qualité est fondamental pour la concentration et la mémorisation.
4. Risque d’addiction et de dépendance aux écrans
La recherche de stimulation constante liée au multitâche peut favoriser des comportements addictifs, avec une difficulté croissante à se détacher des écrans et à se concentrer sans eux. L’attente des notifications devient un enjeu de gratification pour le cerveau et il est très difficile de s’en détacher pour les plus jeunes mais aussi les plus grands.
Comment le multitâche affecte-t-il le développement cognitif ?
Chez les enfants et adolescents, le cerveau est encore en pleine maturation, notamment dans les zones responsables de la gestion de l’attention, du contrôle des impulsions et de la mémoire de travail. Le multitâche numérique intensif peut affecter ce développement en empêchant la mise en place de mécanismes solides de concentration par exemple.
Des études en neurosciences montrent que les jeunes exposés à des multitâches fréquents présentent souvent :
- Une capacité réduite à filtrer les distractions ;
- Une moindre maîtrise des fonctions exécutives nécessaires pour planifier, organiser et prioriser les tâches ;
- Une difficulté accrue à gérer les émotions liées au stress de la surcharge informationnelle.
Que disent les neurosciences ?
Les neurosciences cognitives mettent en lumière plusieurs mécanismes clés :
- L’effet « switch cost » : chaque changement de tâche impose un coût cognitif, c’est-à-dire un temps et une énergie pour se réorienter. Ce coût répété épuise les ressources cérébrales.
- La surcharge de la mémoire de travail : le multitâche sollicite intensément la mémoire de travail, qui a une capacité limitée. Lorsque cette mémoire est saturée, la concentration et l’attention s’effondrent
- L’inhibition réduite : la capacité à inhiber les distractions baisse, ce qui entraîne une dispersion de l’attention et altère les facultés à résister cognitivement à certaines actions par exemple.
- La fatigue décisionnelle : le cerveau, face à de nombreuses sollicitations simultanées, se fatigue et la prise de décisions devient moins efficace.
Comment accompagner les élèves vers un usage raisonné ?
1. Sensibiliser à l’impact du multitâche
Il est important d’expliquer aux élèves que se concentrer sur une seule tâche à la fois améliore la qualité du travail et réduit la fatigue.
Cette prise de conscience est la première étape vers un usage plus raisonné.
2. Mettre en place des temps dédiés sans distraction
Encourager des plages de travail où les notifications sont coupées, les applications inutiles fermées, et où l’élève se concentre sur une seule activité.
Des techniques comme la méthode Pomodoro (travail concentré de 25 minutes suivi de 5 minutes de pause) peuvent aider.
3. Favoriser l’organisation et la planification
Apprendre aux élèves à organiser leur temps et leurs tâches évite les tentations du multitâche et optimise la gestion de leur énergie cognitive.
4. Encourager des pauses régulières sans écran
Pour reposer le cerveau et éviter la fatigue cognitive, des pauses où l’élève se déconnecte des écrans sont essentielles.
5. Utiliser des outils numériques intelligents
Certaines applications ou logiciels peuvent aider à limiter les distractions, bloquer les notifications et encourager la concentration.
Le numérique peut donc être une source de difficulté en lien avec le multitasking mais également proposer des opportunités pour lutter contre certains effets négatifs grâce à certains outils et méthodes.
Le rôle des parents et enseignants
Parents et enseignants ont un rôle fondamental dans l’accompagnement des jeunes :
- Créer un cadre clair autour des usages numériques à la maison et en classe.
- Donner l’exemple en montrant eux-mêmes des comportements numériques maîtrisés et contrôlés.
- Dialoguer régulièrement sur les pratiques, difficultés et stratégies pour mieux se concentrer.
- Soutenir les élèves dans le développement de compétences métacognitives, c’est-à-dire la capacité à réfléchir sur leur propre attention et leurs méthodes de travail.
Le multitâche numérique, bien que souvent perçu comme un signe d’efficacité, est en réalité un frein important à la concentration et à l’apprentissage des élèves.
Comprendre ses effets permet d’adopter des pratiques plus efficaces cognitivement et d’accompagner les jeunes vers une citoyenneté numérique responsable.
En sensibilisant les élèves aux risques du multitâche et en proposant des outils et méthodes adaptés, parents et éducateurs jouent un rôle clé pour préserver la santé cognitive et favoriser la réussite scolaire dans un monde toujours plus connecté.